Cliquer pour plus de produits.
Aucun produit n'a été trouvé.

Le saviez-vous?

Dans cette rubrique nous abordons en détail un certain nombre de questions régulièrement posées autour du cacao et du chocolat.


Des questions qui peuvent parfois sembler anodines soulèvent souvent des problématiques complexes qui méritent une réponse digne de ce nom.


Loin de nous l’idée de jouer aux experts, nous souhaitons vous faire partager les connaissances acquises lors de nos expériences passées sur les sujets suivants :

N’hésitez pas à nous contacter si vous avez des questions ou si vous souhaitez aborder un sujet que nous n’avons pas encore discuté!

Les Variétés

Quand on parle des différentes variétés de cacao, on entend souvent parler de 3 noms : Criollo, Trinitario et Forastero. 
Il s’agit en fait d’une ancienne classification, simpliste et désuète de nos jours, qui ne tient pas compte de la diversité génétique connue aujourd’hui.

Pour commencer, remarquons qu’une variété de cacaoyer est soit auto-compatible soit auto-incompatible.

  • Les variétés aux arbres auto-compatibles sont généralement les variétés les plus productives.
 Ces arbres ne peuvent être pollinisés que par leur propre pollen ou éventuellement par le pollen d’autres arbres très spécifiques avec lesquels ils sont compatibles.
 Ces variétés sont donc relativement stables car leur patrimoine génétique a peu de chance d’être mélangé avec d’autres variétés. Il en résulte des fruits aux propriétés homogènes d’un arbre à l’autre : de la couleur de la cabosse jusqu’à l’intérieur de la graine.

  • Les variétés aux arbres auto-incompatibles en revanche, doivent être pollinisés par d’autres arbres.
 Cette pollinisation croisée obligatoire augmente les chances d’un plus grand brassage génétique avec d’autres variétés. Ces variétés sont dites peu stables. La conséquence est donc une plus grande hétérogénéité des fruits… ou plutôt des graines!
 En effet, de la couleur de la cabosse jusqu’à la pulpe du fruit du cacao, c’est le patrimoine génétique de la mère (l’arbre qui porte les cabosses) qui s’exprime, celui du père (l’arbre d’où provient le pollen qui a fécondé la fleur) ne s’exprime uniquement dans les graines… or quand on fait du chocolat, c’est bien les graines – les fèves – que nous utilisons : est-ce qu’une fève issue de cette pollinisation croisée aura un goût différent? Les recherches à ce sujet sont récentes et pour l’instant les résultats ne montrent qu’une faible différence de goût sur ce type de fève d’après Sukha et al. 2017.

Cabosse de cacao ouverte. Des pigments de la cabosse jusqu’au mucilage blanc, c’est le patrimoine génétique maternelle qui s’exprime. Celui du père s’exprime uniquement dans les graines enrobée de la pulpe blanche. Photo credit : Juan Bronson


Un article renommé, publié en 2008 par Motomayor, démontre l’existence d’un réservoir de 10 groupes génétiques distincts à partir desquels le cacao s’est développé en Amérique du Sud et en Amérique Centrale :
Amelonado, Contamana, Criollo, Curaray, Guiana, Iquitos, Marañon, Nacional, Nanay, et Purús

repartition-geographique.jpg

Représentation géographique des 10 différents groupes génétiques décrits par Motomayor, 2008


repartition-geographique.jpg

La fleur de cacaoyer n’est pas pollinisée par des abeilles, des bourdons ou des papillons mais par un petit moucheron appelé  Forcipomyia. 6 mois plus tard, le fruit obtenu peut être assez gros, comme ce specimen de 1.7 kg rencontré dans le delta du Mékong.


Depuis, ces groupes se sont naturellement mélangés, certains ont été disséminés par l’homme, important le cacao dans divers pays du monde (Asie, Afrique, Caraïbes, Océanie).

Dans chacun des pays où le cacao est cultivé, celui-ci fait l’objet de sélection massale par les paysans et de croisements par des centres de recherche, des universités, des entreprises,… afin de développer des arbres les mieux adaptés aux conditions pédo-climatiques, maladies et agresseurs propres à chaque environnement ; bien entendu, les rendements font souvent partie des critères étudiés.

Lorsque la sélection aboutit à un arbre aux critères satisfaisants, celui-ci est multiplié dans des pépinières par greffage ou par multiplication végétative (bouturage par exemple). Ces techniques de propagation n’impliquant pas la fécondation sont plus rapides et plus sûres qu’une multiplication par voie sexuée (pollinisation) car elle n’implique pas de brassage génétique. Le résultat est une copie conforme de l’arbre initiale : un clone.

Les arbres cultivés portent donc le nom du clone donné par l’organisme qui l’a mis au point, souvent une combinaison de code comme TD-10 pour Thủ Đức University -  essais numéro 10, un clone employé au Vietnam, ou encore UF-36 pour United Fruit Company - essai numéro 36, un clone employé en Amérique Centrale.

repartition-geographique.jpg

Pépinière de la Hacienda Rio Dulce, Guatemala. Plants et Greffage. Photo credit : Juan Bronson.


Si nous nous intéressons à l’arbre généalogique des clones cultivés, nous retrouverons sans doute dans leur ADN un petit pourcentage des 10 groupes cités précédemment. La probabilité de trouver un cacaoyer qui ait conservé 100% du patrimoine génétique d’un seul de ces groupes est extrêmement rare, voire impossible.

repartition-geographique.jpg

De gauche à droite : Région de Coimbatore, Inde – Région de Tabasco, Mexico – Région de Tiền Giang, Vietnam


repartition-geographique.jpg

De gauche à droite : Région de Rio Dulce, Guatemala – Région de Tabasco, Mexico. NB : L’une de ces trois cabosses appartient est un Pataxte ou Theobroma Bicolore, un voisin de Theobroma cacao.


Alors maintenant, d’où viennent les appellations couramment employées : Criollo, Forastero, Trinitario ?

  • Criollo est effectivement le nom d’un groupe génétique souche connu et reconnu, mais en pratique, la définition et l’usage de « Criollo » varient entre les producteurs, les pépiniéristes et les botanistes…ce qui ne simplifie pas vraiment l’histoire!

    Qui plus est, « Criollo » bénéficie d’une image très qualitative vis-à-vis du grand public et est très souvent employé par les négociants et fabricants à des fins surtout marketing, sans réelle analyse génétique à l’appui. L’origine de « Criollo » vient du portugais « crioulo » qui évoque les autochtones, les locaux… ce qui correspond donc souvent aux variétés locales, cultivées dans un endroit depuis longtemps.

  • Forastero est une appellation qui regroupe en fait les 9 autres variétés citées dans l’article de Motomayor. En opposition à « Criollo », Forestero tire son origine de foreign, étranger.

  • Trinitario enfin, correspond à un hybride mis au point à Trinidad et Tobago, composé de Criollo cultivé sur place et d’un mélange de variétés provenant des 9 autres groupes.

Bien que pratique pour la vulgarisation des variétés de cacao, vous l’aurez compris, la biodiversité de cette fabuleuse plante ne peut pas être résumée en 3 uniques dénominations!

Dans les forêts-jardins d’Izabal Agroforest, poussent plusieurs dizaines de clones différents, développés pour la plupart par des instituts de recherche d’Amérique Centrale. D’autres arbres proviennent également de variétés sauvages, trouvées dans les forêts au hasard d’une marche… Juan aime particulièrement propager des variétés anciennes pour conserver ce patrimoine vivant.

Certains de ces arbres sont issus de variétés appelées par les guatémaltèques « Maya Criollos », présentes et cultivées dans la région depuis plus de 2 000 ans, elles ont fait l’objet d’un métissage très limité.

repartition-geographique.jpg

Un bref aperçu des différentes variétés de cacao de la Hacienda Rio Dulce, Guatemala.
NB : encore un intrus parmi les cabosses… ☺
Photo credit : Juan Bronson

Pour aller plus loin sur :
Les différents groupes génétiques du cacao, l’article de Motomayor de 2008 est ici
Les effets de la pollinisation croisée sur le goût du cacao, l’article de Sukha  de 2017 est ici
Le Criollo, une revue du Cirad traitant la question en détail est disponible ici


Les modes de culture

Ayant travaillé dans la filière cacao de l’Amérique Centrale à l’Asie du Sud Est, en passant par l’Afrique de l’Ouest, l’Amérique du Sud et l’Inde, nous avons eu la chance d’avoir observé une grande diversité de mode de culture, voici un tour d’horizon des différents scenari rencontrés dans les plantations à travers le monde :

Le cacaoyer est particulièrement adapté aux climats tropicaux, c’est une plante qui a besoin de chaleur (25-30°C min), d’un fort taux d’humidité, d’un arrosage fréquent et d’un sol plutôt acide.
Il s’agit d’un arbre de taille moyenne : 4 à 5 m maximum dans la plupart des cas – bien qu’il puisse atteindre de grandes hauteurs pour de vieux arbres non taillés.

Il s’agit naturellement d’une plante qui se développe à l’ombre de plus grands arbres, en horizon arbustive, sous la canopée.

  • Monoculture

Lors d’exploitations commerciales intensives, les rendements par arbre et le nombre d’arbre par hectare sont souvent poussés au maximum afin de rentabiliser aux mieux l’espace cultivé le plus rapidement possible. 
Ces choix aboutissent à de la monoculture, un schéma rencontré régulièrement dans les pays où la culture de cacao est la plus répandue ou dans les exploitations les plus productivistes.
Les cacaoyers y sont plantés en ligne, d’un écartement moyen de 3 m entre chaque arbre, formant une densité à l’hectare de 1 000 à 1 500 arbres. Certains systèmes très productifs montent même jusqu’à 3 000 arbres par hectare!
 Aucune autre plante n’est cultivée ou plantée parmi les cacaoyers et le sol est souvent gardé nu lorsqu’il n’est pas couvert de feuilles mortes afin d’éviter d’éventuelles compétitions avec d’autres plantes pour l’eau et/ou les fertilisants.

Ces exploitations sont menées par des producteurs individuels mais aussi et surtout par des coopératives et des firmes, allant de quelques hectares à plus d’une centaine.

monoculture2.jpg

Comme pour chaque monoculture, cette stratégie très productiviste possède des limites :

  • Les hauts rendements ne sont possibles uniquement grâce à une fertilisation importante, souvent minérale, pétrosourcée, chère et dont les producteurs sont rarement bien formés à leurs utilisation tant d’un point de vu du dosage que de l’application.
  • La bonne productivité des arbres est relativement courte dans le temps.
  • La haute densité d’arbres d’une même variété crée des microclimats similaires et un environnement - tant au niveau du sol que des parties aériennes - très homogène et sensible. Le développement de ravageurs et de maladies y est plus fréquent, les plantes sont stressées et leur système immunitaire affaibli ce qui abouti à une dépendance à l’usage d’insecticides et de fongicides aux risques de perdre la récolte ou la plantation.
  • L’exposition direct aux rayons du soleil – souvent très virulents sous les tropiques – génère un stress supplémentaire pour le cacaoyer qui est plus adapté à un semi-ombrage. Il s’agit d’un autre facteur pouvant affecter la bonne santé de la plante et affaiblir son système immunitaire.
  • Le changement climatique n’épargnant pas les tropiques, ce type de culture est aussi beaucoup plus vulnérable aux sécheresses prolongées, aux pluies torrentielles, aux tempêtes et aux inondations.
  • Enfin, les variétés les plus adaptées à ce type d’agriculture sont souvent les plus résistantes et les plus productives… rarement les plus gustatives!

  • Le cacao et l’agriculture vivrière

Dans beaucoup de pays, la culture du cacao est réalisée essentiellement par des familles, dans leur ferme, sur un lopin de terre excédant rarement 1 ou 2 hectares. Le cacao fait alors partie d’autres cultures vivrières et d’élevages, les fèves sont fermentées et séchées (quand c’est le cas) dans le jardin et stockées à la maison. C’est typiquement le type d’agriculture soutenue au Vietnam par Marou.

vietnam-province-lam-dong.jpg

Ferme de la province de Lâm Đồng Vietnam

Dans ces systèmes, les cacaoyers sont souvent plantés à l’ombre de cocotiers, d’arbres fruitiers (jacquiers, durian, par exemple) et en association avec des bananiers, des ananas, des ramboutans, des mangoustans, du poivre, etc… on y trouve souvent quelques ruches, des poules, parfois des chèvres, une ou deux vaches (surtout en Inde!) et il n’est pas rare qu’une truie et ses porcelets fassent aussi partie du tableau!
 Certains fermiers dans le delta du Mékong au Vietnam, élèvent aussi des poissons et des crevettes dans les canaux qui sillonnent leur jardin!
 Sky is the limit!
Chaque ferme est différente et reflète l’imagination et l’innovation des familles qui y vivent en fonction de leur environnement et des marchés disponibles.

vietnam-inde2.jpg

De gauche à droite : Tiền Giang, Vietnam – Andhra Pradesh, Inde

Si le premier rôle de ce type de culture est avant tout de pouvoir nourrir la famille c’est aussi une excellente stratégie pour ne pas dépendre d’une seule et même culture.
 Les risques financiers sont limités puisque la famille ne dépend pas du cours d’une seule et unique production. Les revenus sont plus stables d’une année à l’autre car les rendements sont moyennisés entre les différentes cultures et produits d’élevage. Le travail y est plus diversifié et le cadre de vie beaucoup plus esthétique qu’une monoculture!

Les rendements par arbre y sont souvent plus faibles que dans des systèmes très productivistes mais la complexité des écosystèmes qu’on y trouve permet une bien meilleure résilience. Les variétés de cacaoyers y sont plus diversifiées et les différences de goûts et d’arômes d’une ferme à l’autre illustrent parfaitement la notion de terroir, si fascinante lorsqu’on les perçoit en croquant une tablette de chocolat. 
Enfin, il convient de souligner l’importance du tissu social créé par l’ensemble de ces petites fermes qui maintiennent les campagnes vivantes, dynamiques et attrayantes lorsque les champs de monocultures rendent soudainement les paysages monotones et inhabités.

vietnam-indo2.jpg

De gauche à droite : Tiền Giang, Vietnam – Aceh, Sumatra, Indonésie

  • Le cacao en agroforesterie et l’agriculture de conservation

L’agroforesterie est un système intégrant des arbres à des cultures et/ou des animaux. Il s’agit de techniques ancestrales, plus ou moins abandonnées dans les pratiques agricoles « modernes » et qui connaissent un nouvel essor depuis le début du XXIème siècle incluant des connaissances d’aujourd’hui.
A l’inverse de la monoculture, obsédée par la compétition entre les plantes cultivées et les adventices, l’agroforesterie se fascine pour les associassions de plantes et leurs complémentarités.

On l’a vu à travers la culture du cacaoyer dans les petites fermes vivrières, cet arbre se prête particulièrement bien à l’agroforesterie puisqu’il occupe les strates arbustives, sous la canopée formée par de plus grands arbres. Le cacao est traditionnellement cultivé de cette manière.

Depuis une vingtaine d’année, l’agroforesterie est encouragée par de nombreuses organisations internationales (FAO, COP, GIEC, …) comme une pratique permettant à l’agriculture de lutter contre le réchauffement climatique tout en contribuant à la sécurité alimentaire et en apportant de nombreux bénéfices éco-systémiques (traitement de l’eau, sauvegarde de la biodiversité, lutte contre l’érosion des sols, etc…).
 Ces bienfaits sont essentiellement dus grâce à une haute complexité du système, mêlant une forte diversité de différentes espèces, une importante densité et associant des grands arbres au cubage élevé qui permettront une séquestration du carbone atmosphérique.

Face à cet engouement, de nombreuses initiatives - souvent menées par des entreprises ou des associations - ont ainsi vu le jour pour développer des projets d’agroforesterie les plus efficaces possibles.
Ces projets mettant en œuvre plusieurs dizaines à plusieurs centaines d’hectares, nécessitent une expertise afin de mettre au point un design pertinent.

agroforesterie-2.jpg

De gauche à droite : plantation de cacaoyer en association avec des plantains, Côte d’Ivoire –
plantation de cacaoyers en association avec une multitude de strates différentes, Rio Dulce, Guatemala

Le choix des variétés mises en association, leurs emplacements en fonction de la topologie du terrain, des microclimats, des bassins versants et des types de sols sont autant d’éléments à prendre en compte pour réaliser un système qui soit à la fois adapté à l’environnement local et dans lequel les plantes auront le plus de chance de se développer.
Il s’agit là d’enjeux majeurs car les cultures mises en place sont majoritairement des arbres et des plantes pérennes qui mettront plusieurs dizaines d’années à devenir rentables. On a donc affaire à une véritable agriculture de précision, inspirée de la nature et confirmée par des analyses et une approche scientifique.

Andhra-Pradesh.jpg

En haut : association de cacaoyers sous des cocotiers, des tecks et des palmiers aréca, Andhra Pradesh, Inde

En bas: association de cacaoyers sous des « Spanish Cedar », des arbres « all spices », et une couverture de légumineuses. Avec Hugo à Tabasco, Mexico

Les tropiques sont une zone géographique très prisée de ce genre de projets car les conditions y sont très favorables à une croissance rapide des plantes.

Au cours de nos différentes aventures nous avons eu l’opportunité de visiter et de travailler dans divers projets d’agroforesterie, l’occasion de constater que tous les modèles ne correspondent pas toujours aux forêts-jardins que nous pouvons imaginer…

En effet, certains projets se contenteront de mettre en place quelques arbres vaguement éparpillés parmi une plantation intensive de cacaoyers ou encore d’associer le cacaoyer à une plantation de cocotiers, d’hévéas ou de palmiers à huile dans ce qui ressemble davantage à un simili de monoculture plutôt qu’à une véritable forêt comestible.

ci-inde2.jpg

Gauche : plantation de cacaoyers en Côte d’Ivoire
Droite : plantation de cacaoyers et de cocotiers en Andhra Pradesh, Inde.

A la Hacienda Rio Dulce, la ferme d’où provient notre cacao, les cacaoyers sont plantés à une densité d’environ 500 arbres par hectare, plus de 2 fois moins que dans un schéma de monoculture. L’espace restant est occupé par des grands arbres comme des cèdres, des rosewoods, des mahoganys, des ceibas, des hormigos, formant une magnifique canopée à plusieurs dizaine de mètres de hauteur.
 Sous cette canopée, on trouve également des arbres à épices comme la cannelle, des bananiers, des cocotiers, mais aussi des lianes de vanilliers et d’autres essences locales. Le paysage y est diversifié, changeant et coloré.

Leur approche systémique de la restauration des paysages inclue notamment les fondamentaux suivants :

  • La mise en place d’espèces locales adaptées à l’environnement et occupant l’ensemble des strates horizontales : de la canopée formée par les grands arbres, aux arbustes sous-jacents et des couverts végétaux. Chaque photon de lumière est utilisé!
  • La fertilisation organique du sol par apport de bio-char et de compost (vermicompost) est la base d’un système résilient et autosuffisant. C’est la vie du sol qui est avant tout fertilisée et c’est elle qui fertilisera à son tour les plantes.
  • Le sol est toujours couvert par des légumineuses qui fixent l’azote atmosphérique et le restitue au sol, le rendant ainsi disponible pour d’autres organismes.
    Des herbivores sont petit à petit intégrés aux systèmes, ajoutant de la biodiversité et favorisant les cycles de décomposition de la matière organique et la séquestration de carbone.

La préservation d'espaces naturels non cultivés et destinés à la sauvegarde de la biodiversité et à la création de corridor permettant à la faune sauvage de circuler à travers leurs parcelles.

La mise en place de ces techniques aboutit à un écosystème complexe, diversifié et autonome ; offrant une multitude de niches écologiques pour la faune et la flore sauvage tout en conservant une viabilité économique.

guatemala.jpg

De gauche à droite : Hacienda Rio Dulce, Guatemala – Vanille cultivée parmi les cacaoyers de la Hacienda Rio Dulce, Guatemala

Il convient également de s’intéresser à l’origine des terres employées dans ce type d’initiative.
Il n’est par rare qu’une parcelle de forêt ou que des fermes de villageois soient accaparées par une firme désireuse de mettre en place un tel projet afin de réaliser un programme de compensation carbone…


Les terres employées dans les projets d’Izabal Agroforest sont uniquement issues de terres préalablement déforestées, transformées en élevages bovins.

Enfin, il est important de garder à l’esprit qu’une plantation en agroforesterie, même bien menée, reste un espace anthropisé dans lequel la faune et la flore sauvage doivent se faire une place.
Il ne s’agit pas d’un parc ou d’une réserve naturelle mais bien d’une ferme censée produire des denrées afin de garantir un revenu aux gens qui y travaillent. Dans ce sens, les pratiques agricoles et les politiques de gestion des espaces employées dans chaque projet ont un impact fort sur l’intégration et la conservation de la faune et de la flore sauvages.


Hacienda Rio Dulce et Zorro el gringo!

Certains des projets les plus vertueux et les plus complexes que nous ayons eu la chance de côtoyer associent aux espaces cultivés des endroits gardés sauvages afin de garantir un refuge écologique pour les espèces les plus fragiles, c’est le cas des projets menés par nos partenaires à Izabal Agroforest.

  • La Culture du Cacao et la Séquestration de Carbone

Ce chapitre est un bref résumé d’une étude plus approfondie sur la question publiée lors de nos précédents travaux en Inde et disponible en libre accès sur la plateforme ResearchGate

La production de dioxyde de carbone (CO2) et la séquestration de carbone atmosphérique sont des sujets omniprésents dans les actualités et débats d’aujourd’hui. Il convient cependant de rappeler certains fondamentaux avant de discuter ce point spécifiquement pour la culture du cacao.


Quelques rappels :

L’atome de carbone (C) est un composant essentiel de la matière organique, c’est à dire de tous les êtres vivants ou morts. Sous cette forme, le carbone est attaché à de nombreux autres atomes (oxygène, hydrogène, azote, souffre) formant ainsi des molécules complexes telles que des sucres, des protéines et des acides gras qui rentrent dans la composition de toutes les plantes, animaux, champignons et bactéries.
L’atome de carbone est également présent dans notre atmosphère dont il représente, à notre époque, 0,04% et dans les roches mères (calcaire, par exemple) qui composent le sous-sol. Sous cette forme, le carbone n’est pas organique mais minéral, il est attaché à d’autres atomes pour former de petites molécules simple, solide ou gazeuse comme par exemple le fameux dioxyde de carbone qui tient une place importante dans le réchauffement de l’atmosphère…

En effet, notre atmosphère, formée à environ 80% de diazote et 20% de dioxygène, permet en autre de maintenir la température de la terre relativement élevée en enfermant une partie de la chaleur procurée par le soleil et en empêchant que celle-ci ne se dissipe dans l’Univers. Le dioxyde de carbone, comme d’autres gaz dits à « effet de serre », favorise cette rétention de chaleur. Leur présence dans l’atmosphère est indispensable pour maintenir les conditions propices à la vie sur Terre mais leur surabondance peut engendrer des changements climatiques catastrophiques et irréversibles à notre échelle.

Cependant, le carbone n’est pas figé dans sa molécule de CO2. L’atome de carbone est dynamique et passe constamment d’une forme organique à une forme minérale et ainsi de suite… le tout dans une boucle fermée : on parle de cycle du carbone.

Par exemple, le carbone du CO2 atmosphérique est transformé en sucres par la photosynthèse réalisée par une plante. Eventuellement, cette plante est mangée par un animal qui utilisera cet même atome de carbone dans son métabolisme pour en faire des protéines musculaires, des graisses, etc...
Lorsque l’animal meurt, ses tissus sont dégradées et digérées par d’autres animaux, des insectes et des microorganismes ; une première partie de ce carbone continue ainsi son chemin dans la chaine trophique. La carcasse pourrissant, une autre partie de ce carbone s’échappe dans l’atmosphère sous forme gazeuse en du CO2 ou du méthane (CH4). 
Enfin, la fraction restante de l’animal est petit à petit intégrée à la litière du sol. Dans ce cas, le carbone empreinte une autre voie : celle de l’humification et de la minéralisation. Le carbone organique est alors transformé très lentement en matière minérale avant d’être de nouveau employé par des microorganismes quelques millions d’années plus tard, quand il n’est pas extrait par l’homme… L’humification et la minéralisation sont des processus tellement lent par rapport aux autres échanges du cycle du carbone qu’on parle souvent de puits de carbone.
Comprendre ces interactions et ces dynamiques permet de mieux appréhender les échanges entre matières minérales et matières organiques. Favoriser le stockage de carbone dans le sol prend soudainement tout son sens pour lutter efficacement contre le réchauffement climatique tout en cultivant la terre, on parle souvent de séquestration du carbone.

  • Les émissions de CO2 d’une culture de cacaoyers
    Avant de discuter le potentiel de séquestration de carbone de la culture du cacao, il convient de noter que cette activité, comme toute activité, participe également à une certaine émission de gaz à effet de serre.
    D’après la littérature scientifique d’aujourd’hui et des études sur les analyses du cycle de vie de la culture du cacao, les émissions de carbone générées par cette activité sont évaluées entre 2 et 8.9 kg éq.CO2 / kg de fèves séchées. Bien que ces émissions soient très variables et dépendent beaucoup des modes opératoires et des environnements de l’étude, il est important de garder à l’esprit que la gestion d’une plantation génère des émissions que ce soit par le transports des gens qui y travaillent, l’usage d’irrigation, de fertilisants mais aussi par le compostage, la décomposition naturelle des cabosses et des feuilles mortes inhérentes à l’arbre lui-même, etc…
  • La culture du cacao, un puit de carbone?
    Face à ces émissions, la culture du cacaoyer participe évidemment aussi à fixer du carbone atmosphérique via la photosynthèse.
    Plus un arbre est important plus il a accumulé du carbone. Les jeunes plants, à la croissance forte, fixent souvent du carbone plus rapidement que de vieux arbres.
    L’efficacité de la culture du cacao quant à la séquestration de carbone est en fait surtout fonction du nombre de grands arbres associés et à la densité de plantation. Ainsi, la culture du cacao réalisée dans le cadre d'un système agroforestier avec plus de 25% d'arbres d'ombrage possède un grand potentiel pour agir comme un puit de carbone.
    Dans ce cas, le bilan carbone de l’activité est négatif et permet de séquestrer 30 kg éq. CO2 / kg de fèves séchées. En revanche, le bilan des émissions nettes pour la monoculture de cacao est évalué comme positif (+4 kg éq. CO2 / kg de fèves), celui de projets agroforestiers avec moins de 25% d'arbres d'ombrage est évalué comme neutre.

Cependant, les systèmes de monoculture ou d'agroforesterie de cacao avec moins de 25% d'arbres d'ombrage peuvent devenir compétitifs en terme de séquestration carbone lorsqu'ils sont combinés à une gestion partagée des terres : combinant des espaces dédiés à la culture du cacao sur certaines zones, avec une forêt tropicale dédiée à la séquestration de carbone ou à la conservation de la biodiversité sur d'autres domaines.

Par exemple, pour produire 10 tonnes de chocolat, un artisan chocolatier aurait besoin d'environ 7 tonnes de cacao.
Cela nécessiterait 14 ha d'un système agroforestier mature (> 25% d'arbres d'ombrage), séquestrant l'équivalent de 207 tonnes de CO2 par an.
Utiliser la même parcelle de terre partagée entre 50% de forêt tropicale et 50% de monoculture de cacao, ou entre 40% de forêt tropicale et 60% de système agroforestier avec moins de 25% d'arbres d'ombrage fournira la même quantité de cacao tout en séquestrant la même quantité de CO2.
Il est important de garder à l'esprit que ces résultats, fondés sur la littérature actuelle, sont sujet à interprétation car la relation entre le rendement et le stockage du carbone est dynamique et fortement influencée par les techniques agricoles telles que la taille, ou la conception de l'agrosystème, le choix du cultivar de cacao et les espèces associées.

La monoculture du cacao ou l'agroforesterie à faible ombrage (<25%) combinée à une gestion partagée des espaces naturels semble être une alternative compétitive face à l'agroforesterie à fort ombrage (> 25%) en termes d'utilisation des terres et de stockage du carbone.
Cependant, la communauté scientifique fournit de nombreuses raisons pour s'opposer au modèle de monoculture, même associée à des espaces naturels. Un cycle de production plus court, une perte de fertilité des sols, un besoin systématique d'intrants, une perte de biodiversité en surface et sous terre, une plus grande menace pour les ravageurs et les maladies, sont autant de mises en garde par rapport à ce modèle agricole.

Remarquons également que les systèmes agroforestiers ne représentent pas des écosystèmes pleinement préservés fournissant des niches écologiques et des habitats spécifiques comme on en trouve dans les forêts. De plus, la protection de la forêt tropicale existante ne contribue pas à restaurer la biodiversité et la fertilité perdues dans les terres déboisées.
En combinant toutes ces observations, un scénario de gestion partagée des terres tel que mentionné ci-dessous, fournirait également 7 tonnes de cacao dans les mêmes 14 ha, tout en séquestrant des quantités similaires de dioxyde de carbone que le scénario précédent et offrant de plus grands avantages écologiques:
- 50% des systèmes agroforestiers avec plus de 25% d'arbres d'ombrage
- 36% des systèmes agroforestiers avec moins de 25% d'arbres d'ombrage
- 14% de la forêt existante

Enfin, il convient d’observer que la mise en place et la gestion de ce type d’agrosystème nécessite des investissements et des ressources conséquentes au démarrage, cependant, la séquestration de carbone pourrait également être considérée comme une source de revenu importante étant donné le prix actuel du marché d'environ 25 USD / tonne. On pourrait ainsi générer un revenu de plus de 5 000 USD par an tout en produisant suffisamment de cacao pour fabriquer 10 tonnes de chocolat sous les différents modèles pré-cités. Selon le rapport Synapse 2015, les projections concernant le prix d'une tonne de CO2 au cours des 30 prochaines années vont d'une augmentation de + 60% à + 380% offrant un potentiel encore plus élevé pour cette source de revenu supplémentaire.


  • Les pratiques Post-récolte

Le fruit d’un cacaoyer est une cabosse dans laquelle on trouve un mucilage blanc, juteux, sucré, aux saveurs proches du litchi ou de la poire. Ce mucilage enrobe une quarantaine de graines attachées en grappe autour d’un placenta central. Ce sont ces graines qui sont utilisées dans la fabrication du chocolat… mais avant d’en faire du chocolat, il y a un petit peu de travail!

En effet, l’une des étapes les plus importantes pour réaliser un excellent chocolat se produit en fait ici, loin de l’atelier, sur le lieu de récolte où le cacao est mis à fermenter pendant 5 à 6 jours. C’est la conduite d’une bonne fermentation qui donnera au cacao toute sa complexité aromatique, le faiseur de chocolat participera ensuite à son expression.

De gauche à droite : Cabosses de cacao récoltées et prêtes à être ouvertes, Bà Rịa, Vietnam - Cabosse de cacao ouverte, les fèves de cacao y sont enrobées d’un mucilage blanc : la pulpe du fruit du cacao, Rio Dulce, Guatemala


Alors que se passe-t-il de si spécial dans la fermentation du cacao?

Une fois les cabosses ouvertes, les fèves enrobées du mucilage sont mises dans des caisses en bois d’une capacité de quelques centaines de kilo ou en tas recouvert de feuilles de bananiers pouvant accueillir plusieurs tonnes de ce drôle de mélange qu’on appelle dans le jargon « baba ».

L’exposition de ce jus sucré et acide aux microorganismes indigènes, omniprésents dans l’air, à la surface des cabosses, sur les mains des opérateurs ou encore sur les feuilles de bananiers et sur le bois des caisses va engendrer une fermentation spontanée du baba. 
Car c’est bien le baba qui fermente, pas les fèves de cacao qui sont elles protégées de leur enveloppe (testa) imperméable aux microorganismes.

De gauche à droite : Baba mis en fermentation – fèves de cacao fraîches et non fermentées  coupées en deux, habituellement violettes, celles-ci sont parfois blanches pour certaines variétés

Pendant cette fermentation, de multiples réactions biologiques et physico-chimiques se succèdent :

La fermentation anaérobique ou éthanoïque :

Pendant les premières 48 heures, des enzymes (pectinases) vont dégrader la structure protéique du mucilage enrobant les fèves de cacao, libérant ainsi le jus.


Brève parenthèse : Avec des glaçons ou même congelé en sorbet comme nous avions l’habitude d’en déguster dans le Delta du Mékong… ce délicieux nectar est la parfaite boisson après une bonne journée de récolte sous la chaleur et l’humidité écrasantes des tropiques!

La libération du jus plonge les fèves dans un milieu sucré (18% de sucre), acide (pH 4.0), aqueux et donc dépourvu partiellement d’oxygène : les parfaites conditions pour que se développent les mêmes microorganismes impliquées dans la fermentation du moût de raisin par exemple : les levures et les bactérie lactiques acidifiantes.
Pendant cette période, le sucre du jus est consommé par les levures et les bactérie lactiques qui produisent de l’éthanol, du dioxyde de carbone et de l’acide lactique. Les conditions changent : le sucre se fait de plus en plus rare, la concentration en alcool augmente, le jus s’écoule et laisse place à davantage d’aération… d’autres microorganismes plus adaptés à ce nouveau milieu vont proliférer.

Illustration des étapes de la fermentation du cacao par sweematterphysicist.com

La fermentation anaérobique ou acétique :

Après 2 jours, les fèves sont en principe régulièrement tournées et mélangées afin d’apporter de l’oxygène et d’encourager le développement de bactéries acétiques.
 Ces bactéries vont oxyder l’éthanol en acide acétique exactement comme lorsque l’on transforme du vin en vinaigre. Cette réaction est exothermique et libère une quantité importante de chaleur : la température d’une caisse peut alors dépasser les 50°C!
 En pratique, on utilise le suivi de cette température pour évaluer l’activité microbienne et juger si un second brassage est nécessaire. Chaque fermenteur possède son propre protocole mais dans la majorité des cas, les fèves sont brassées une fois par jour pendant les 3 à 4 jours suivant la fermentation anaérobique. La fréquence du brassage a un impact direct sur l’apport d’oxygène et donc sur la production d’acide acétique, souvent responsable de l’acidité d’un chocolat…

C’est pendant ces 2 phases de fermentation que la fève de cacao va subir l’attaque d’un certains nombre de molécules synthétisées par les microorganismes préalablement cités.
 En effet, si la testa de la fève de cacao la protège de l’infiltration de bactéries et de levures, elle reste perméable à la diffusion d’acides et d’alcools qui vont modifier ses composants et créer des précurseurs d’arômes :

Avant d’être fermentée, la fève de cacao est une graine composée de 2 cotylédons violets (ou blanc pour certaines variétés), d’un germe vivant et d’une testa. La couleur violette est due à la concentration de pigments comme des anthocyanines que l’on retrouve également dans le vin!
 Ces anthocyanines font partie des nombreuses molécules antioxydantes présentes dans la fève de cacao non fermentées, on y trouve également des tanins, d’autres polyphénols, des alkanoids, des flavanols, ainsi que de la caféine et une molécule propre au cacao : la théobromine. Toutes ces molécules participent également au goût amère et à l’astringence que peut avoir une fève de cacao non fermentée.

Pendant la fermentation, le germe de la fève de cacao est tué par la diffusion de l’alcool et des acides à travers la testa.
 Le pH de l’intérieur de la fève diminuant, des enzymes qui s’y trouvent deviennent actives : dégradant la structure de la fève, oxydant et hydrolysant les anthocyanines et altérant donc la couleur violette de la fève.
 Certains polyphénols sont également oxydés par des enzymes et forment des complexes avec d’autre molécules (peptides, protéines, polyphénols) diminuant ainsi l’astringence et l’amertume de la fève. Ce sont aussi ces réactions qui sont à l’origine du brunissement de la fève de cacao et qui donne au chocolat la couleur que l’on connaît.

Fèves de cacao en fin de fermentation

Enfin, d’autres molécules aromatiques produites par les microorganismes de la fermentation diffusent dans la fève, c’est le cas de composés volatiles aux arômes souvent fruités comme des esters, des acides organiques, des aldéhydes, des cétones…  ainsi que de plus petites molécules tel que des sucres réducteurs, des peptides et des acides aminés qui n’ont aucune propriétés olfactives mais qui seront transformées en molécules aromatiques pendant la torréfaction : on appelle ces métobiltes des précurseurs d’arômes.

Toutes ces réactions sont influencées par divers facteurs : variété, maturité du fruit, acidité et taux de sucre du jus, température, hygrométrie, localisation, protocole de fermentation, etc.… le fermenteur aguerri suit un certain nombre de paramètres (couleurs, odeurs, pH, température,…) et ajuste ses pratiques en fonction afin de réaliser une fermentation complète et adaptée au profil aromatique recherché. Exactement à la façon d’un vigneron.

Nous avons fait de nombreuses expériences au fil des années, comme l'ajout d’ingrédients tels que la cannelle, la banane ou même un cocktail de levures et de bactéries dans le baba en fermentation afin d’étudier les effet sur le goût du chocolat. Parfois, tel un savant fou, nous avons testé les effets du brassage sur le goût du chocolat : allant du simple, double, triple, jusqu’à l’octuple rotation!

Tout comme le vin d'un même vignoble aura un goût différent d'une année à l'autre, le cacao et le chocolat auront un goût différent d'une fermentation à l'autre. A Rookyto, nous ne cherchons pas à uniformiser le goût de notre chocolat! Nous sommes heureux et curieux d'observer les variations des saveures du cacao de différents lots que nous recevons d’Izabal Agroforest ou de Marou.

« Cut-test  » effectué après séchage pour évaluer la quantité de fèves correctement torréfiées

Séchage et Verdict!

Une fois la fermentation terminée, les fèves sont mises à sécher au soleil. Là encore, savoir-faire et vigilance sont nécessaires pour parachever le travail de la fermentation.
En effet, les acides ayant pénétrés dans la fève de cacao doivent partiellement s’échapper afin de donner au cacao une note fruité et pas vinaigrée. Pour ce faire, les premiers jours de séchage doivent être lents et réguliers afin que la testa reste perméable et permette l’évacuation de ces acides volatiles de manière homogène. Un séchage trop rapide déshydraterait la testa et enfermerait les acides dans la fève de cacao.

Le séchage est terminé une fois que les fèves atteignent 8% d’humidité relative les rendant ainsi saines et stables pour le stockage et la transformation en chocolat.

A ce moment là, on peut alors effectuer plusieurs tests pour juger la qualité du cacao obtenu. L’un d’entre eux : le « cut-test », permet d’avoir un aperçu du nombre de fèves fermentées – dont les anthocyanines ont été correctement oxydées et hydrolysées -  des fèves encore violettes sont synonymes d’une fermentation incomplète et sont potentiellement amères, aigres et astringentes…

Pour aller plus loin sur :
Le rôles des microorganismes dans la fermentation du cacao : The Microbiology of Cocoa Fermentation and its Role in Chocolate Quality , publié par Rosane F. Schwan  et Alan E. Wheals en 2004 est disponible ici
L’influence de la fermentation sur les saveurs du chocolat et sa teneur en polyphénols :  Fermentation of cocoa beans: influence of microbial activities and polyphenol concentrations on the flavour of chocolate  publié par Nicholas Camu et al. en 2008 est disponible ici

sechage-feves-cacao.jpg

Fèves en cours de séchage, Lâm Đồng, Vietnam


  • Fabriquer du chocolat, de la fève à la tablette

La torréfaction

Faire du chocolat à partir de la fève de cacao c’est tout d’abord avoir la chance de créer un chocolat unique!
Car si le producteur de cacao est responsable en grande partie de la qualité de celui-ci, c’est bien le faiseur de chocolat qui va révéler tout son potentiel aromatique acquis lors de la fermentation, notamment grâce à la torréfaction :

En effet, l’un des produits de la fermentation sont ces fameux précurseurs d’arômes. Des sucres réducteurs et des acides aminés, a priori inodores, vont réagir sous l’effet de la chaleur pour générer une large gamme de composés aromatiques propre à la torréfaction, c’est la réaction de Maillard.
 Ces nouvelles molécules sont responsables des arômes empyreumatiques que l’on retrouve dans le caramel, le pain, les fruits secs, le café, etc… et qui procure au cacao le parfum si familier que l’on a tous en tête en pensant au chocolat.
Cependant, la fermentation a également abouti à la formation de composés déjà aromatiques, volatiles, caractérisés par des notes fruitées et florales.
Ces molécules fragiles sont inévitablement altérées lors de la torréfaction, il convient donc au torréfacteur de trouver le bon compromis pour conserver cette dimension fruitée tout en développant des notes cacaotées qui donneront au chocolat toute sa complexité.

Tout comme la torréfaction du café, celle du cacao fait donc l’objet d’une attention toute particulière.
La taille des fèves, le couple temps/température, la cinétique de chauffe, l’humidité, le rapport convection/conduction thermique sont autant d’élément à prendre en compte pour ajuster une courbe de torréfaction adéquate à l’objectif du faiseur de chocolat, tout en restant fidèle au cacao d’origine. Ce dernier étant toujours changeant – fonction des saisons, des variétés, de la météo, … – les paramètres d’une bonne torréfaction ne sont donc jamais figés, chaque batch est une nouvelle tentative pour reproduire un résultat homogène et harmonieux par rapport aux précédents.

Le conchage

Le second levier dont dispose le faiseur de chocolat pour développer des arômes se produit quelques étapes plus tard, lors du conchage.

Rappelons tout d’abord qu’une fève de cacao est une graine, conçue pour permettre au germe du futur cacaoyer de se développer et de créer les organes et les tissus du futur plant.
 Avant la naissance des première feuilles, c’est la graine elle-même qui doit assurer l’approvisionnement énergétique permettant la croissance du germe et de la radicule. Dans le cas de la fève de cacao, ces réserves énergétiques se trouvent dans les dicotylédons et sont sous forme de lipides et d’acides gras, autrement dit de matière grasse, c'est le fameux beurre de cacao. Environ 50% de la masse d’une fève de cacao est ainsi composée de matière grasse, cette valeur changeant en fonction des variétés, des origines, des climats et des saisons…

Cette matière grasse est primordiale car elle va permettre de piéger les arômes du cacao et de les véhiculer jusqu’à nos récepteurs sensoriels. C’est elle aussi qui assure l’onctuosité et la fluidité d’un chocolat ainsi que sa capacité à fondre.

Le conchage est une étape de la fabrication du chocolat qui consiste à aérer et brasser cette matière grasse pour affiner ses arômes et améliorer sa viscosité.

En effet, une fois dépourvue de leur pellicule fibreuse, les fèves de cacao torréfiées sont broyées et raffinées avec d’autres ingrédients comme le sucre par exemple.
 Cette étape réduit la taille des particules de quelques dizaines de mm à environ 30 microns, brisant les parois cellulaires contenant le beurre de cacao - qui fond sous l’effet de la chaleur générée par les forces de friction – et libérant tous les acides organiques accumulés lors de la fermentation.

Certains de ces acides, comme l’acide acétique connu pour ses notes vinaigrées, prennent souvent le dessus sur d’autres aux notes plus subtiles et sympathiques… en brassant la masse de chocolat, le conchage permet un apport d’oxygène qui va favoriser l’évaporation de ces acides. L’efficacité de ce phénomène dépend de la surface d’échange entre le chocolat et l’air, de la vitesse de rotation, de la température, du flux d’air et du temps. Il existe de nombreuses machines différentes, aux designs particuliers et originaux, pour effectuer cette étape inventée par Lindt dans la fin du XIXème siècle.
S’il est effectivement souhaitable de libérer l’acide acétique du chocolat, il convient cependant de mener cette étape avec soin, au risque d’évaporer d’autres composés volatiles aux arômes intéressants. Encore une fois, le faiseur de chocolat doit s’adapter constamment au cacao qu’il travaille pour ajuster correctement les paramètres de conchage afin de correspondre au résultat escompté.

Enfin, le conchage permet également d’améliorer la viscosité du chocolat et sa texture :
d’un point de vu microscopique, le chocolat ressemble à une suspension de petites particules de matière sèche (protéines et sucres) dans une matrice composée de beurre de cacao. Avant conchage, ces particules de matière sèche sont de formes aléatoires et souvent en quinconce. Lors du conchage, les forces de cisaillement générées par le brassage du chocolat vont polir ces particules et les arrondir, améliorant leur dispersion dans la matrice et procurant au chocolat une meilleure viscosité.
Cependant, cette amélioration de la viscosité du chocolat est fortement limitée par sa teneur en matière grasse qui dépend du taux de matière de grasse des fèves… lui-même dépendant du cacao et de son origine.
C’est donc à cette étape que le faiseur de chocolat est à même de « corriger » la teneur en matière grasse du chocolat afin de jouer sur sa viscosité.
 A Rookyto, nous ajustons cet élément à façon en incorporant du beurre de cacao pressé par nos soins. D’autres alternatives existent, en utilisant par exemple un émulsifiant – comme de la lécithine de soja – permettant de reproduire l’effet de plusieurs centaines de grammes de beurre de cacao en seulement quelques gouttes, non sans conséquence sur le goût et le moral !

Pour finir, notons également que lorsque le conchage est pratiqué à des températures supérieures à 80°C sur des chocolats au lait – composés de poudre de lait de vache – le lactose change de forme et passe d’une structure cristalline à une structure amorphe procurant au chocolat au lait une texture très tendre, typique des confiseries du nom de l’inventeur du procédé…

  • Chocolat au Lait et Chocolat Blanc, vrai ou faux chocolat?

Alors que les puristes ne jurent que par le chocolat noir aux forts pourcentages de cacao, le chocolat au lait et le chocolat blanc sont souvent vus comme des confiseries, riches en sucre et considérées par certains comme n’étant même pas du chocolat!
La réalité est encore une fois un peu plus subtile que tout noir ou tout blanc… car un chocolat au lait ou un chocolat blanc peut très bien être aussi peu sucré qu’un chocolat noir.

Explications :

Comment passe-t-on du chocolat noir au chocolat au lait puis au chocolat blanc?

  • Chocolat noir et chocolat noir

Rappelons que le chocolat noir est théoriquement composé de 2 ingrédients : le cacao et le sucre.
Un chocolat noir à 70% de cacao est donc composé à 30% de sucre.
Légalement parlant, la teneur en cacao renseignée sur une étiquette correspond à la somme des teneurs en cacao, beurre de cacao et maigre de cacao (ou poudre).
Toujours d’après la législation en vigueur, on peur nommer un chocolat « noir » un chocolat avec au minimum 43% de cacao… celui-ci comportant donc comme ingrédient principal du sucre, à hauteur de 57%... Pas vraiment « noir » pour un chocolat noir!

noir-70-vs-noir-43.jpg

Remarquons également que le faiseur de chocolat possède une contrainte technique lors du développement d’une recette car le chocolat fondu doit être fluide afin d’être moulé. Pour se faire, celui-ci doit contenir un minimum d’environ 30% de matière grasse totale.
Les fèves de cacao contenant naturellement environ 50% de beurre de cacao, les chocolats à la teneur en fève de cacao supérieur à 60% contiennent a priori déjà environ 30% de matière grasse, nul besoin d’en rajouter.
 En deçà de 60% un ajout de beurre de cacao devient nécessaire. Ainsi, plus le pourcentage de cacao mentionné sur la tablette diminue, plus la teneur en beurre de cacao augmente…
De cette façon, un chocolat « noir » 43% de cacao peut contenir: 57% de sucre, seulement 26% de fève de cacao et 17% de beurre de cacao… or ce sont bien les fèves de cacao qui donnent toute la complexité d’un chocolat noir, pas le beurre.

A Rookyto, la teneur en cacao de nos chocolats noirs est assurée au minimum à 90% par les fèves de cacao, l’ajout de beurre – que nous pressons nous-même – y est très limité et la quantité de sucre toujours inférieur à 35%, bref un vrai chocolat noir!

  • Chocolat au lait

Sachant cela, la fabrication d’un chocolat au lait se fait simplement en ajoutant de la poudre de lait au chocolat noir.
Ce nouvel ingrédient comportant surtout des protéines, du lactose et peu de matière grasse, il va donc substituer une partie des fèves de cacao dans la recette.
Plus on ajoute de poudre de lait, plus la teneur en fève de cacao diminue et plus la part de beurre de cacao augmente afin de respecter cette cible de 30% de matière grasse totale.

De cette façon, un chocolat au lait titrant à 42% de cacao peut être composé par exemple de 30% de fèves de cacao, 30% de sucre, 25% de poudre de lait et 15% de beurre de cacao. Ce chocolat, dont les proportions peuvent correspondre à celles de chocolats au lait du commerce, contient autant de sucre qu’un chocolat noir 70% de cacao!

A Rookyto, nous avons pris la décision de fabriquer nos chocolats au lait en utilisant de la poudre de noisette ou d’amande déshuilée. Cette poudre, riche en protéine, permettent la création de chocolats ronds et onctueux, apportant une note de fruits secs. Tout comme l’illustre l’exemple précité, nos chocolat au lait ne sont pas plus sucrés que nos chocolats noirs!

noir-70-vs-lait.jpg

  • Chocolat blanc

Dans le même cheminement, fabriquer un chocolat blanc c’est substituer l’intégralité des fèves de cacao par de la poudre de lait. La teneur en cacao correspond alors uniquement à la teneur en beurre de cacao, la matière sèche provient uniquement de la poudre de lait et du sucre.
Une formulation possible pour un chocolat blanc peut être comme suit : 40% de poudre de lait, 30% de sucre, 30% de beurre de cacao. Une nouvelle fois, le chocolat blanc ne comporte pas plus de sucre qu’un chocolat noir 70%... bien que sa teneur en cacao ne soit que de 30%.

chocolat-noir-comapraison-blanc.jpg

Le chocolat blanc a souvent la réputation d’un produit bon marché car le beurre de cacao employé par les fabricants provient quasiment exclusivement d’un procédé industriel. Le beurre y est extrait à partir de fèves de faible qualité et est transformé à haute température pour accroître les rendements. Après filtration, le beurre obtenu est désodorisé pour retirer les arômes souvent indésirables qui s'y trouvent… la matière sèche résiduelle – qui servira à faire la poudre – est également alcalinisée par l’usage de soude afin d’atténuer l’amertume et l’astringence tout en changeant sa couleur en un pourpre typique des produits industriels : c’est le procédé Van-Houten.

A Rookyto, nous souhaitons redonner au chocolat blanc ses lettres de noblesse et ceci passe avant tout par la fabrication d’un beurre de cacao artisanal !
Après avoir torréfié et raffiné les fèves de cacao, nous utilisons une presse hydraulique pour en extraire un beurre blond, non filtré, gorgé d’arômes.
A fin de conserver sa robe dorée, nous n’utilisons pas de poudre de fruit sec mais de la poudre de lait de brebis d’Aveyron. Le tout sublimé d’une pointe de vanille et parsemé d’éclats de fèves torréfiées, notre chocolat « blanc de noir » allie douceur lactée et puissance cacaotée avec un taux de sucre toujours similaire à nos chocolat noirs!

Alors pourquoi percevons-nous le chocolat blanc et le chocolat au lait plus sucrés que le chocolat noir, même à teneur en sucre égale?
Ceci est principalement dû aux tanins et à l’acidité contenus dans la matière sèche des fèves de cacao qui « camouflent » la perception sucrée devant nos papilles. Moins le chocolat est noir et plus nous serons en mesure de détecter le sucre… même si sa teneur ne change pas!
Dans la majorité des chocolats noirs industriels, la teneur en cacao est principalement assurée par le beurre de cacao. Il y a donc peu de fèves de cacao dans la recette et la perception de sucré est souvent assez présente, même pour de forts pourcentages.

Bien évidemment les formulations  citées dans cet article dépendent du fabricant. Le sucre étant l’ingrédient le plus bon marché dans la composition d’un chocolat il est souvent préférable d’éviter les chocolats dont le sucre figure en tête de liste des ingrédients.
Lorsqu’il est fabriqué de manière raisonnée, un chocolat peut contenir le même taux de sucre indépendamment de sa couleur, il serait alors dommage de s’abstenir de marier le cacao à d’autres ingrédients pour explorer de nouvelles textures, élargir l’éventail des saveurs et la gamme des couleurs!

Menu